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Des Livres : qui délivrent, qui enivrent, qui font vivre - ou pas

Pour des livres inconnus ou peu lus, remarquables, contre des livres très connus, nuls ou néfastes

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Livres remarquables (remarqués ou pas)

A stack of colorful books on a wooden table.
A stack of colorful books on a wooden table.

Il y a un grand écart entre la réalité de la valeur des livres mis en avant par les publicités par comparaison avec celle d'ouvrages qui n'ont aucune publicité et qui sont, pourtant, remarquables.

Cette section du site va être consacrée à mettre en avant ces livres, peu ou pas médiatisés, et pourtant, remarquables.

Les livres ne seront pas, sauf exception, évoqués par une seule publication. Comme la lecture, il y aura plusieurs publications, centrés sur des passages, extraits.

"Les Larmes d'Achille. Héros, femme et souffrance chez Homère", d'Hélène Monsacré

Hélène Monsacré est une historienne de la Grèce antique. Cet ouvrage, paru en 1984, est, sur un tel sujet, les représentations, la culture, homériques, profondément original. En trois parties, "Les frontières de l'héroïsme", "La féminité dans l'épopée", "Sanglots d'hommes, larmes de femmes", elle a modifié ce qu'il était convenu de dire/penser à propos de ces guerriers grecs, extrêmement brutaux.

Dans sa présentation de ce livre (publiée par la Revue de l'histoire des religions, tome 202, n°4, 1985. pp. 439-440), David Bouvier a écrit : "C'est à la figure du héros en larmes dans l'épopée homérique que s'intéresse, d'abord, ce livre issu d'une thèse de troisième cycle dirigée par P. Vidal-Naquet et soutenue en mai 1983 à l'Ecole des Hautes Etudes en Sciences sociales. L' Iliade est autant le poème de la colère d'Achille que celui de ses pleurs. Et, ces pleurs, Monsacré montre fort pertinemment qu'ils posent le problème d'une certaine représentation du masculin dans l'épopée. Pour situer sa problématique, H. M. rappelle qu'à l'opposé des Grecs du ve siècle av. J.-C. qui considèrent les larmes comme une marque de lâcheté ou de féminité, accusant l'homme, s'il pleure, de n'être qu'une femme, l'épopée homérique, elle, se plaît à faire pleurer ses plus grandes figures, mieux encore, c'est avec le vocabulaire du plaisir qu'elle décrit ces héros qui « se rassasient » de sanglots (p. 193) ; comme si pleurer, dans le monde héroïque, pouvait être une qualité masculine. Pour mieux comprendre la figure du héros en larmes, H. M. propose ainsi, dans les deux premières parties de son livre, d'examiner comment la poésie homérique pense le rapport du masculin et du féminin. (...)". Et de l'Iliade à l'Odyssée, les larmes continuent de pleuvoir : "si Ulysse pleure, en écoutant dans l'Odyssée l'aède Démodocos..."

Si le fait d'une tristesse qui se traduit par des larmes a une telle importance dans les poèmes homériques, il faut donc comprendre cette "tonalité" du propos dominant, en lien avec ce qui est advenu dans l'Histoire elle-même, par le populicide de Troie, un fratricide à grande échelle, prendre en compte que le récit homérique tient une partie de sa force dans cette "humanité", des sentiments tristes, par la mémoire de ces morts qui, comme pour Achille et ses frères de guerre, reviennent hanter Ulysse, c'est-à-dire Homère; dont le récit existe pour que les morts de cette tragédie ne soient pas oubliés.

"Socrate l'Athénien", de Pierre Brulé

Cet ouvrage, aux Editions Belles Lettres, de plus de 400 pages, "après quelques études et enseignements polyvalents", "a enseigné l'histoire grecque à l'Université de Rennes 2 où il créa un laboratoire de recherche". Il est également l'auteur de "Comment percevoir le sanctuaire grec ? Une analyse sensorielle du paysage sacré", dont la présentation est la suivante :

"Qui se rend aujourd'hui chez un dieu grec ne découvre que des pierres en son sanctuaire. Si conforme qu'il soit à son passé antique, il lui manque et lui manquera toujours son environnement végétal, le paysage qui fut son écrin. C'est à ce sanctuaire, appréhendé dans sa totalité paysagère originelle, avec prairies, bois sacrés, jardins, qu'est consacré ce livre. Dans la pensée religieuse grecque, l'idéel habite le matériel, le sacré gît des objets. Pierre Brulé démêle minutieusement les témoignages pour saisir comment la seule sensation d'un paysage suffit au spectateur pour identifier son caractère sacré, comment la perception des reliefs, phytosociologies, "appelle" une présence divine. Les cités qui les accueillent se soucient des sanctuaires: il faut garantir leur intégrité. D'où une écologie d'avant-hier, une protection du paysage. On vote des interdictions: pénétrer, couper du bois, faire pacager, cultiver la faim de terres, de bois, de fourrage des paysans alentour explique qu'elles soient si nombreuses."

"Socrate l'Athénien" est fondé sur le même souci, la même volonté : penser Socrate, dans sa réalité culturelle et cultuelle, dans le réseau des significations grecques, afin de ne pas parler d'un autre. Une des premières principales questions tient dans la question des sources : à qui se fier ? Des références connues qui parlent de Socrate, Brulé les prend toutes, afin de, en les croisant, les passer au tamis de la cohérence : qu'est-ce qui résiste, qu'est-ce qui ne tient pas, et qu'est-ce qui, par comparaison, manque ? Concernant cette problématique fondamentale de la représentation exacte, Brulé invoque la "focale", photographique : elle concerne aussi le regard que ces hommes avaient sur le monde, avec les limites de ce qu'ils voyaient, avaient vu, de leurs propres yeux, Athènes et ses environs. Nul ne peut lui faire le reproche de ne pas avoir voyagé, quand les moyens de locomotion se comptaient sur les doigts d'une main, et, en une journée, ne permettaient d'aller guère loin - à l'exception notable du bateau, si un bon vent soufflait. Et Socrate n'était ni pêcheur ni marin. Et Brulé a tenu à tenter de se mettre dans sa peau. Si nul n'est les Autres, pas même les imitateurs de, les comédiens, il faut tenter d'être, autant que possible, autre : deviens ce que tu n'es pas, si tu veux connaître, comprendre. Ce qui passe par "penser-comme-un-Grec", et "penser-comme-Socrate" : comme un Grec, et alors les Dieux et le divin sont omniprésents; comme Socrate, il y a ce regard passionné pour les autres. Socrate n'est pas une peau pour un animal à sang froid, sauf s'il est capable de changer de peau.